vendredi 4 août 2017

Essai sur la vérité - Seconde partie



II. L’existence de la vérité
Maintenant que vous avez bien pris conscience de la notion que nous nous faisons de la vérité en ayant attentivement lu la précédente partie, montrons donc que celle-ci existe bel et bien.
Depuis le début l’on se pose la question suivante : Qu’est-ce que la vérité ?
Or l’on devine une preuve de son existence implicitement liée à cette interrogation. Car lorsque nous cherchons une réponse à cette question, nous désirons qu’elle soit juste, vraie. Eh quoi ! si l’on ose dire, nous cherchons dans ce cas la vérité vraie.
Ce qu’il se passe donc, c’est qu’avant même de définir cette notion de vérité, intuitivement nous l’utilisons. Pourquoi tenterons-nous de vérifier l’existence de notre objet ? : parce que nous voulons qu’il soit. Ici, la notion de la vérité que nous avons définie, nous voulons vous montrer qu’elle est vraie – qu’elle est – n’est-ce pas ? Nous faudrait-il parler de la vérité de la vérité, et ainsi de suite ? C’est le serpent qui se mort la queue, une boucle infinie. La notion de vérité telle que nous l’avons définie est donc une évidence, elle ne peut se démontrer puisque celle-ci même est requise dans ce but.

dimanche 27 novembre 2016

Sur la fausse charité


Nous avons décidé de parler de la charité fraternelle. Et bien que nous ne nous attachions point à l’actualité, le contexte des vagues migratoires que l’Europe subit particulièrement ces temps-ci nous paraît propice au sujet que nous allons entreprendre.
On entend beaucoup dire aux Chrétiens, que ceux-ci se doivent d’être tolérants et accueillants, particulièrement lorsqu’il s’agit d’individus à tout le moins hostiles. Pour appuyer ce propos, certains se réfèrent aux préceptes mêmes que le Christ a enseignés : il faut aimer ses ennemis. Si l’on tergiverse, alors ils n’hésiteront pas à rappeler l’image archétypique du Chrétien qui tend la joue. Il est remarquable que les plus antichrétiens fassent tant de cas de ces enseignements quand le contexte leur paraît favorable. Alors ? Faudrait-il se laisser envahir sous prétexte de charité ?
Pour ce qui est de la tolérance, nous croyons en avoir assez dit dans un précédent article. Maintenant, il nous faut expliquer en quoi être charitable ne participe en rien de la mollesse ni de la bonasserie.

dimanche 14 août 2016

L'Articulation entre Physique et Métaphysique chez Pierre Duhem - Quatrième partie (chapitre 7 et 8, Conclusion)

 

II. 3. La Cosmologie ou la métaphysique de la science
Arrivé à ce stade de notre mémoire, nous pensons avoir présenté suffisamment de preuves qui indiquent l’existence d’une doctrine métaphysique chez Duhem. On pourrait, en un certain sens, prétendre que l’idée de classification naturelle chez Duhem est révélatrice d’une métaphysique de la science. Il faudrait alors préciser qu’il s’agit d’une métaphysique portant sur la nature de la théorie physique, et non sur la nature des objets que ladite théorie étudie. Duhem ne s’est pas essayé à pénétrer les notions de matière, de force, de temps, etc. En revanche, il a tenté d’approfondir jusqu’au bout la notion même de théorie physique, par là, il a fait œuvre de métaphysicien.
Ce qu’on entend plus généralement par métaphysique des sciences, n’est autre que la philosophie de la nature : c’est-à-dire l’étude métaphysique des phénomènes et lois physiques, dans le but de sonder la réalité que nous cache la nature et d’interpréter diverses questions que laissent de côté les purs physiciens. Or, Duhem croit pouvoir avancer qu’il existe « un lien entre la théorie physique et la philosophie de la nature1 », et par là, soutient la possibilité d’une métaphysique de la science qu’il nomme cosmologie. Si l’on ne peut pas dire que Duhem soit devenu un véritable cosmologiste, l’importance de sa contribution réside en la définition qu’il donne de la discipline, et la légitimité qu’il lui accorde. Nous allons voir que la doctrine de la classification naturelle conditionne et se prolonge en une idée précise de ce que doit être la cosmologie.

samedi 13 août 2016

L'Articulation entre Physique et Métaphysique chez Pierre Duhem - Troisième partie (chapitre 5 et 6)



II. La physique aux confins de la métaphysique
Nous avons vu dans la première partie en quel sens la métaphysique influence la physique, c’est-à-dire qu’à la conception positive de la théorie physique s’ajoute une compréhension de nature métaphysique, qui est la classification naturelle. Nous allons toujours étudier cette articulation, mais désormais du point de vue de la métaphysique. Ainsi, qu’en est-il de l’influence de la physique en métaphysique ?
On s’intéressera tout d’abord aux implications du phénoménalisme, en se demandant si une préméditation ne conduit pas Duhem à développer un système physique favorable à une métaphysique spécifique ou à ses convictions religieuses. On s’étendra aussi, pour compléter la question, à l’aspect historique de l’œuvre duhémienne. Ensuite, nous verrons qu’en cette œuvre se peut découvrir la trace d’une apologétique, pour ce faire, on cherchera suivant trois perspectives différentes : En premier, comment le phénoménalisme peut-il sans se renier, donner lieu à une apologétique ; secondement, et dans la continuité du premier chapitre, on abordera l’apologétique historique ; pour en dernier lieu, montrer la présence d’une apologétique métaphysique fondée sur la classification naturelle ‒ c’est-à-dire l’aspect métaphysique de la philosophie scientifique duhémienne, lequel est le prolongement du phénoménalisme.
Par la suite, nous traiterons dans les deux derniers chapitres un point essentiel de l’articulation duhémienne entre physique et métaphysique. Il s’agira d’éclaircir le lien que Duhem entrevoit entre sa philosophie de la physique et la cosmologie. Nous expliciterons alors en quel sens la cosmologie dépend de la physique, pour finalement concevoir l’idée de métaphysique de la science, rendue possible à travers la notion d’analogie dont Duhem fait usage. Après avoir précisé les conditions et les ressorts des procédés analogiques, nous achèverons sur les considérations que nous inspire l’analogie concrète que Duhem pressent entre son système physique et la cosmologie d’Aristote.

vendredi 12 août 2016

L'Articulation entre Physique et Métaphysique chez Pierre Duhem - Seconde partie (chapitre 3 et 4)

 

I. 3. L’épistémologie duhémienne
I. 3. a. Sens commun et classification naturelle
L’hypothèse que nous venons d’employer, et qui attribue à Duhem l’utilisation de la méthode métaphysique pour justifier la classification naturelle, nous a paru confirmée par la clarification qu’elle amène sur une prétendue contradiction doctrinale. Mais on nous rétorquera que cela ne peut suffire à l’établir certainement. Aussi, il nous faut désormais étudier plus soigneusement comment la méthode métaphysique est exploitée par le physicien et les circonstances qui le doivent amener à user de cette méthode.
Duhem reconnaît que l’étude logique de la méthode positive ne permet pas d’en achever la compréhension, car elle ne peut rendre compte de tous ses principes. Dans un article intitulé « Quelques réflexions sur la science allemande », Duhem établit en citant Pascal une distinction qui s’avère cruciale :
« Les principes se sentent, les propositions se concluent, » a dit Pascal, qu’il faut toujours citer lorsqu’on prétend parler de la méthode scientifique. En toute science qui a revêtu la forme qu’on nomme rationnelle, la forme que, mieux encore, on appellerait mathématique, il faut, en effet, distinguer deux tactiques, celle qui conquiert les principes, celle qui parvient aux conclusions1.
La première tactique, selon Duhem, est du ressort de l’esprit de finesse. La seconde, autrement appelée méthode déductive, emprunte le talent de l’esprit géométrique. Or, la science ne peut se passer de l’une de ces facultés et s’appuyer exclusivement sur l’autre, sans quoi elle pourvoirait à sa ruine. Les deux sont nécessaires, et Duhem fustige leur excès respectif. En écrivant « Quelques réflexions sur la science allemande », Duhem s’en prend à cette manière de concevoir ‒ pour lui, trait caractéristique des Allemands ‒ qui exige de tout démontrer, tout déduire, et tout définir ; car la pleine certitude ne peut se présenter ‒ à l’esprit allemand ‒ autrement. À nouveau, Duhem se réfère à Pascal, et cite De l’esprit géométrique : « Contre cet ordre [celui de la géométrie] pèchent également ceux qui entreprennent de tout définir et de tout prouver, et ceux qui négligent de le faire dans les choses qui ne sont pas évidentes d’elles-mêmes2. »

jeudi 11 août 2016

L'Articulation entre Physique et Métaphysique chez Pierre Duhem - Première partie (Introduction, chapitre 1 et 2)




Introduction
Pierre Duhem
Pierre Duhem est un savant français né le 10 juin 1861 à Paris et mort le 14 septembre 1916 dans sa résidence à Cabrespine. Nous sommes heureux, par conséquent, de rédiger notre mémoire à l’occasion du centenaire de sa mort. Physicien de profession, il enseigna d’abord à Lille de 1887 à 1893, puis un an à Reims et finalement à Bordeaux, à partir de 1894, où il y finit sa carrière. Pourtant, si la physique théorique fut son domaine de prédilection, Duhem avait un intérêt mathématique prononcé et il contribua également à la chimie. Le plus grand succès qu’il faudrait lui attribuer, de son point de vue assurément, est d’avoir fondé et assuré l’essor de l’énergétique ‒ théorie générale visant à unifier la physique ‒, bien que la physique contemporaine n’en ait retenu qu’un mince héritage.
Il profite dans le peu d’heures de loisir qu’il s’accorde pour exercer son talent de dessinateur, et le concilie habilement, en amateur de pérégrinations dans la nature, avec ses promenades sauvages dont il tire quelques beaux dessins. En outre, Duhem est un fervent catholique, né au sein d’une famille traditionnelle, il n’a jamais caché ses convictions monarchistes, et sa fille le dira proche du milieu de l’Action française. Un tel caractère n’arrangea pas sa confrontation scientifique avec Marcellin Berthelot, laquelle débuta à l’occasion de sa première thèse de 1886 portant sur le potentiel thermodynamique ; celle-ci réfutait indirectement le principe du travail maximum de ce dernier, ce pourquoi elle fut refusée. En effet, Berthelot, scientiste et républicain ardent, qui fut un temps ministre de l’Instruction publique (1886-1887), fit barrage à la carrière de Duhem, malgré ses qualités scientifiques et sa renommée internationale, en s’opposant notamment à ce qu’il obtienne une chaire à Paris.
Mais Duhem est aussi, et surtout en ce qui nous concerne, un philosophe et historien des sciences s’inscrivant dans la période du début du XXᵉ siècle ; et tel est le profil qui a le plus attiré les commentateurs. L’ouvrage qu’il publia en 1906 La Théorie physique : Son objet et sa structure est considéré désormais comme un classique de la philosophie de la physique, qui influença notablement l’épistémologie française.
La richesse de notre auteur a néanmoins été la cause d’interprétations diverses et même contradictoires à l’endroit de sa personnalité et de sa pensée1. Il nous faudra donc aborder l’œuvre de Duhem en prenant garde à sa complexité, et ne pas suivre un chemin qui éluderait trompeusement les contrastes variés et inévitables qui s’y repéreraient.

dimanche 17 janvier 2016

Les Mathématiques et l'expérience dans la théorie physique de Pierre Duhem



Introduction
Au tournant du XXe siècle, une réflexion épistémologique importante a lieu dans le champ de la science. En Physique tout particulièrement, l’on s’est mis à proposer de nouvelles visions sur ce que doit être une théorie. Pierre Duhem apparaît comme une figure majeure dans ce bouillonnement intellectuel. Une citation célèbre qui se trouve en son ouvrage central nous résume la conception qu’il se faisait de la théorie physique :
Une théorie physique n’est pas une explication. C’est un système de propositions mathématiques, déduites d’un petit nombre de principes, qui ont pour but de représenter aussi simplement, aussi complètement et aussi exactement que possible, un ensemble de lois expérimentales1.
En cette citation, l’on voit déjà apparaître, de manière condensée, la relation qu’entretiennent les Mathématiques et l’expérience dans la théorie physique. Nous nous proposerons, ici, de l’expliciter.

Duhem se donne quatre opérations pour fonder la théorie physique, à savoir :
  1. La définition et la mesure des grandeurs physiques ;
  2. Le choix des hypothèses ;
  3. Le développement mathématique de la théorie ;
  4. La comparaison de la théorie avec l’expérience.
En excluant le soin de détailler la deuxième opération – ce que, du reste, Duhem remettra à plus tard dans son développement –, nous tenterons de rassembler en deux parties les principaux éléments des opérations restantes. Le premier chapitre s’axera sur le rôle des Mathématiques dans la théorie physique, tandis que le second s’occupera de la place de l’expérience et de son articulation avec cette dernière2.